Un intense sentiment de bonheur : l'enfance d'Alan
Alan Cope n'a rien fait d'extraordinaire dans sa vie
Même quand il a été mobilisé pendant la guerre en Europe
Il a bien failli mourir deux fois, de façon (presque) banale.
Mais sa vie n'a pas pour autant été une aventure trépidante.
Et malgré ça, on prend un plaisir incroyable à lire et voir ses souvenirs.
Tant Alan Cope aimait la vie.
Oh, il n'était pas du genre à brûler la chandelle par les deux bouts, à devenir roi de la nuit ou à découvrir de nouveaux mondes.
Non.
Son éducation presbytérienne ne l'y prédisposait pas.
Il était plutôt du genre à s'émerveiller de voir son grand-père en train de prendre son petit-déjeuner.
A se souvenir soixante dix plus tard de l'odeur des lauriers dans la garrigue
D'une boule de glace.
D'un trou d'eau.
Du sable qui gratte en revenant de la plage
D'une locomotive qui démarre.
D'une route.
D'odeurs dans l'air. Encore et encore.
(Tiens, d'ailleurs! En passant : l'enfance d'Alan nous permet de découvrir une Californie très différente de ce qu'Hollywood nous montre. Ethnographiquement très intéressant)
De la découverte des Kleenex...
Il y a des passages heureux, d'autres gais, d'autres encore sérieux, voire tristes (Non. Je ne vous montrerai pas ceux-là).
Mais globalement, on finit la lecture de ces souvenirs avec un intense sentiment de bonheur
Alan Cope était un homme qui aimait fondamentalement la vie et les gens.
Et la restitution de ses souvenirs par Emmanuel Guibert est un vrai chef d'oeuvre.
Le ton est parfait. Le texte semble directement issu d'un enregistrement des récits d'un vieil homme.
Les dessins sont grrr! (mais comment font les autres pour dessiner aussi bien?).
Le rythme est vif, malgré la lenteur (obligatoire) du sujet.
Sans doute grâce à l'alternance des thèmes évoqués, aux ruptures dans le graphisme et dans le mode narratif (mot pompeux pour dire que certaines pages sont en BD classiques, et que d'autres sont moins classiques).
Et sûrement grâce à l'immense quantité de bonheur qu'exhale chaque page.
Si vous déprimez parce que vous n'êtes pas une star de la télé ou du foot, parce que vous n'avez pas (encore) pu vous payer la Ferrari (ou, plus modestement l'Audi ) de vos rêves, parce que vous n'étiez pas la semaine dernière à New-York, en transit depuis Shangaï et Vancouver ou parce que vous craignez de ne pas avoir de Rolex avant 50 ans, lisez l'enfance d'Alan.
Tout d'un coup, le parking de Carrefour,
le terre-plein central de l'avenue du Général-de-Gaulle (ou du 1er mai, ça dépend où vous habitez)
ou votre train quotidien (c'est selon)
et les déjeuners du dimanche en famille vont ressembler à s'y méprendre au paradis.
D'ailleurs, c'est pas çà, le paradis?
Merci, Alan.